24 Avril 2007

Mon amour, Chaque bouteille que je te lance est une déchirure, car c’est un message sans réponse que je t’envoie, en espérant que le postier des cieux te remette bien toutes ces missives… A chaque fois que je lance ce frêle esquif de verre dans la mer, j’aperçois ton visage se dessiner sur l’horizon, les nuages modèlent la pureté de tes traits, et le soleil illumine ce regard virtuel. Oui, la nature est capable de mille merveilles, comme celui de me rappeler ton image… En fouillant sur mon ordinateur portable, je suis tombé sur nos premières vidéos, que j’avais tourné avec mon appareil photos numérique. Je les avais oubliées, et elles me sont revenues en mémoire dès lors que je les ai visionnées, j’en ai même ri de te voir faire l’andouille et de m’invectiver… Tu te rappelles ? C’était à Trouville, dans la maison de tes parents, nos premières vacances ensemble. Le soleil était de la partie, et comme ta peau et l’astre du jour ne faisaient pas bon ménage, tu avais mis ce bob Ricard que tu avais subtilisé à ton papa, alors que nous déjeunions sur la terrasse. Je ne pouvais que me moquer de toi, et bien sûr, je ne pouvais louper l’occasion de filmer ce moment. Tu n’aimais pas être prise en photo, tout comme moi, nous ne nous trouvions pas très photogéniques. Mais ce jour-là, devant la vidéo, tu te lâchas ! Tu t’imaginais être miss météo, et tout comme le faisaient les présentatrices de l’époque, tu singeas une météo plus délirante que jamais, en prenant des pseudos airs altiers, caricaturés par la présence de ce bob Ricard que tu arborais fièrement. Tes mains simulaient une carte virtuelle de dépression sur toute la France, sauf sur Trouville où le soleil était à son zénith. Bien sûr, la bouteille de vin au premier plan sur ta gauche dénaturait avec ton bob ! Après trois minutes de délires, nous finissions notre première vidéo. Mais taquin comme je l’étais, je voulais ne pas en rester là… Alors que nous rentions les assiettes, et autres restes du repas du midi, je me mis à filmer à nouveau. Et ce fut un moment digne de vidéo gag ! Oui, au départ, tu ne me voyais pas, mais m’étant éclipsé pour te filmer en cachette, tu commenças à te plaindre que toi seule faisait tout à la maison, que tu étais une vraie bonne à tout faire, bien sûr, sur le ton de la plaisanterie. Tu simulais de pester, tout en mettant un foulard sur tes cheveux à la place du bob, et tu t’emparas du balai pour essuyer les miettes que j’avais laissé malencontreusement tombées par terre en coupant le pain. Tu m’aperçus en train de filmer, et ce fut la catastrophe ! Tu fis tomber le balai contre la porte, et en le relevant, tu fis tomber le chiffon, lequel renversa la pelle contenant les miettes et la poussière, c’était digne d’un film comique de situation, tu rigolais et m’invectivais de ne pas venir te donner un coup de main et de rester à filmer ta déconvenue, et plus tu essayais de garder ton sérieux, plus tu rigolais et plus tout tombait, à en finir assise par terre ! J’avais du mal à garder mon sérieux derrière mon appareil photos, mais j’immortalisais la scène jusqu’au bout, et tu as fini par me lancer tout ce qui te passait sous la main, en commençant par le chiffon, suivi du rouleau de sopalin, de tes chaussons, … J’ai coupé le mode vidéo, et nous avons ri pendant une bonne vingtaine de minutes, une bonne crise de fous rires comme ils nous arrivaient fréquemment. Lorsque nous avons regardé le film sur l’ordinateur portable, ce fut une vraie chamaillerie, tu ne voulais conserver ce moment de dérision à ton encontre, de peur que je ne fasse de ta faiblesse ma force ! Nous avons encore rigolé un bon moment, d’autant que nous nous le passions en boucle, pour ne pas louper un seul moment de tes exploits cinématographiques ! Quand tes parents ont vu le petit film, tu n’as jamais autant rougi, mais tu ne pouvais m’en vouloir, tes parents n’avaient eu de si bons moments depuis longtemps, et de voir leur fille heureuse et nature ne pouvait que les conforter sur ton choix vis-à-vis de moi… Et je suis tombé dessus hier soir, et malgré la tristesse de te voir là, si pleine de vie, si marrante, et pourtant si loin, j’ai à nouveau rigolé, cela ne m’était plus arrivé depuis… Je ne me souviens même plus, mais mon dernier rire était avec toi, depuis, je n’avais pas retrouvé la force de rire pour quoi que ce soit. J’ai dupliqué la vidéo que je me suis empressé de montrer à ta maman, et nous avons mêlé nos rires et nos larmes, larmes de joie et de tristesse de ne plus jamais revivre cela… Oui, comme tu nous as manqué à ce moment-là, nous aurions voulu que tu sois là, avec nous, que tout ne soit qu’un mauvais souvenir… Mon amour, tout ce qui me rappelle ta joie de vivre me fait du bien, mais rien ne pourra remplacer l’absence de ton départ, rien ne pourra combler ce vide que tu as laissé… Nous avons partagé tant de beaux moments, et même si j’en oublie parfois, le destin me les rappelle de temps à autres, preuve que notre amour perdurera à travers les années… Je t’aime, mon Ange, ma douce Caroline, et tu nous manques… Ton Ptit Caillou